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Les voyages de Charcot-Spanel

Exposition du photographe Arno Brignon à la Bibliothèque Jacques Prévert de Cherbourg

Jusqu’au 11 janvier 2025






De grandes expéditions, il ne sera pas question … Sous le double patronage du célèbre explorateur et d’un industriel du textile américain, cherbourgeois de cœur  ( fun fact : Abraham Spanel est l' inventeur du fameux soutien-gorge « Cœur Croisé ! ) , « Charcot-Spanel » est aussi, plus prosaïquement, le nom d’une de ces résidences HLM dont Cherbourg s’est hâtivement hérissée après-guerre, promise aujourd’hui à la démolition.  

Pas vraiment un terreau propice à l’évasion ?  Ça dépend pour qui. Chargé par l’«Observatoire photographique du renouvellement urbain de Cherbourg-en-Cotentin »  de documenter cette disparition annoncée ( et déjà à l’œuvre aujourd’hui ), le photographe  Arno Brignon prend malgré tout le voyage comme fil rouge, au sens le plus humble  du terme . Pendant sa résidence, chaque matin, il accompagne un.e des résident.e.s des  Lilas, des Muguets, des Violettes ( car chacune de ces tristounes barres de béton construites entre 1957 et 1960 porte un nom de fleur, bien entendu ) dans l’un de ses trajets routiniers, liés à son travail , à ses activités familiales ou de loisir . Que son accompagnateur du jour - adolescent, retraité, mère de famille…- se contente d’arpenter le quartier ou le centre de Cherbourg , ou qu’il se rende au boulot en voiture, sur la côte,  à 60 km plus au Sud…C’est seul et à pied, dans un temps de cheminement,  que le photographe effectue le trajet retour et prend la plupart de ses clichés , après avoir pris congé de son guide improvisé, dont les mots viendront nourrir  ses images et ses écrits.






Si le dispositif choisi permet de dessiner une géographie intime et sensible de toutes ces vies ordinaires, tous ces itinéraires qui se croisent dans ce micro-quartier, la technique du photographe ajoute un supplément d’aventure et de magie à ces paysages et ces trajets familiers. Arno Brignon travaille en argentique, qu’il définit comme « un outil essentiel à la perte de contrôle. Car le hasard, ou l’accident, est autant un allié du voyage que de la création ». Mieux : le choix d’utiliser des appareils photo « archaïques » et des pellicules souvent périmées multiplie, justement, le risque d’accidents. Ici, une vue de la falaise s’embrase comme sous l’effet d’un coucher de soleil… inexistant, un fourré semble prendre vie comme un buisson ardent, le portrait en clair-obscur de Michel, figure historique de la résidence, aux allures de vieux loup de mer, semble moins pixellisé que brodé au point de croix. Mais les images les plus poétiques sont peut-être celles réalisées, tout au long des pérégrinations de Brignon, avec …son smartphone, mais tirées ensuite « à l’ancienne » , sur papier RC couleur à partir d’écrans de verrouillage de l’appareil  . Brumeuses, tremblées, très « cinématographiques » malgré leur format réduit, exposées tel un alignement de petits tableaux rectangulaires qui imite le déroulement d’une pellicule, elles nous emmènent en voyage dans un Cotentin fascinant d’étrangeté.




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